Traversée de la Meije

Les Ecrins

Alpinisme

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24 juin 2023

Annulée l'année dernière à cause d'une blessure a l'épaule de l'ami Gaëtan, on remet le projet Meije sur la table. Ambre est dispo ce coup ci, donc on part sur une cordée a 3, Gaetan El Cheffe devant, Ambre au milieu et Nico qui ferme la marche.

La veille au soir, le stress monte et je me met a lire tous les topos que je trouve pour apprendre la voie par coeur. Mon dieu que ça a l'air long...

Pour équilibrer les deux jours, on décide de bivouaquer dans la voie, plan initial au sommet de la Meije pour faire une journée plus light le dimanche.

Départ Grenoble 5h30, déjà cette première nuit aura été courte. On attrape la première benne se 7h30, il fait un temps de dingue, 0 vent, 0 nuage. La vue sur la Meije est imposante dès la station. On va vraiment en haut de ce monstre ?!

Exact, on a prévu de dormir tout en haut de ce truc

On a pas dormi mais on est chauuuuuuuds

On attaque l'arête des Enfetchores bien en forme, on double une cordée d'italiens qui avancent à leur rythme. Gaëtan me fait bien rire à se balader en caleçon avec son surpantalon ouvert jusqu'aux chevilles, mais le garçon reste stoïque, il en faut plus pour le destabiliser. On prend pied sur le glacier de la Meije vers 11h, on est déjà si proche et pourtant elle a l'air encore tellement immense !! On repère le trajet en ski de rando, le serret du savon est bien plus long que ce que j'imaginais (c'est le couloir pour passer du glacier de la Meije au Tabuchet pour aller à l'aigle). Encordés bien long, on arrive à la brèche sans trop de soucis.

Euuuuuuuuuh Gaëtan j'ai l'impression que tu t'es accroché le pantalon

Ca se rapproche mais ça a toujours pas l'air évident ^^

De la brèche, on repère bien la descente. Ca a l'air assez sketchy, mais on décide de pas mettre les crampons pour s'épargner des manips. Au final mauvaise idée, on progresse vraiment lentement et un peu en stress, comme quoi des fois il vaut mieux prendre l'option prudence pour être à l'aise. Du coup les italiens nous rattrapent et nous dépassent, en route vers le refuge du promontoire. On se rattrape quand même avec la vue sur le vallon des Etançons, avec ce beau temps et cette neige persistante le panorama est vraiment magique.

Pas pire comme vue au Promontoire

Au refuge, la gardienne nous accueille avec une mauvaise nouvelle : en fait il reste encore pas mal de neige, pas gênant pour la course, mais par contre pour les bivouacs c'est pas gagné : ils sont encore sous la neige. Elle nous prévient aussi que 2 personnes sont parties dormir déjà au sommet, donc sûrement pas de place, et que les italiens vont partir dormir aux vires du glacier carré. Argh. On temporise avec une assiette de pâtes aux champignon, my god que c'est délicieux. On se décide à avancer quand même aujourd'hui et à s'arrêter en haut du couloir Duhamel, le topo C2C décrit un super spot de bivouac à cet endroit. Ambre qui a eu un petit coup de stress dans la descente de la brèche récupère un peu, et là elle croise un ancien collègue de Bearing Point. Il fait lui aussi la Meije, mais avec un guide et en partant du Promontoire. Vu qu'ils sont arrivés 20min après nous en prenant la benne 2h après, à priori ils vont plutôt vite ^^

Ah ouaaaaaaais c'est stylé la vie

Ambre et le fameux Pierre qui crie son nom quand il décroche un parpaing

On repart vers 16h30 pour faire le début de la voie. On démarre par le pas du crapaud, qui échauffe mais qui passe bien, puis on enchaîne sur la belle arête aérienne bien couchée, pas dur du tout. Ca fait plaisir et ça donne envie de grimper !! On passe le campement des demoiselles et on arrive au couloir Duhamel encore bien frais. On a quasi rattrapé les italiens devant nous, du coup on ralentit pour les laisser sortir du couloir et pas se prendre de pierres. Arrivés en haut du couloir, je prend un immense mal de crâne, savant cocktail de fatigue + soleil + altitude. Heureusement, le bivouac est là et il est plutôt calé ! Il est juste recouvert de neige par contre. Gaëtan hésite pas 10s, il prend la pioche et il commence à déboiter la glace à grands coups de lame. Enorme kiffe quand un bout de la taille d'un brochet se décroche ! On va y arriver en fait.

On a raté notre vocation de mineurs de glace

On relâche nos prises, c'est du "No kill"

On se pose ensuite pour manger, le coin cuisine est choisi pour être ensoleillé bien longtemps. La semoule / polenta / citron passe crème, on mange ça comme des Sri Lankais (= avec nos doigts) vu qu'on a qu'une cuillère pour 3 et pas d'assiette ^^ Bonne rigolade en tout cas ce bivouac ! On se décide à remplir toutes nos gourdes sous le névé à côté du camping, sacré entreprise parce que c'est juste à la verticale de la falaise de 200m. Du coup on fait un relais, Gaetan s'encorde et part sous le goutte à goutte. Manque de bol, c'est tellement lent et ennuyeux qu'il finit par faire tomber la gourde filtrante qui disparait dans la falaise. Tant pis, on aura que 1,5 L par personne demain. On se couche bien avant le soleil pour profiter de la chaleur des duvets, mais on fermera pas l'oeil avant le crépuscule, à profiter du paysage qui se transforme chaque minute.

Allez il faut dormir maintenant

Les pauvres italiens sont encore en train de grimper au dessus de nous 😬

Après 2h de sommeil mais 9h dans le duvet, on a un mental en miettes mais le corps qui fonctionne à nouveau. A voir si ça suffit. On prend notre temps pour faire bouillir de l'eau et la boire nature comme le faisait mamie, et déjà les premières cordées arrivent au bivouac. Il est 4h40. On décolle pour emboîter le pas aux guides et profiter de leur connaissance de la voie. Ca attaque sévère directement pour entrer dans la dalle Castelnau avec un pas de désescalade assez péchu pour arriver sur une dalle pentue et lisse. La suite est bien grimpante, et c'est pas évident de se répérer, mais on avance finalement à un très bon rythme et on parvient à suivre les cordées des guides devant nous. Cette partie est super chouette, on fait le dos d'âne, la dalle des autrichiens et le pas du chat plutôt en confiance. On attaque le glacier carré vers 7h20, il est en super conditions. Impressionnant quand même d'être suspendu dans la neige au milieu de la paroi.

Dans le fameux glacier carré, sous le regard de la Meije

On attaque l'ascension de la face sommitale avec un Gaëtan torturé par son ventre. Il a du manger un truc pas ouf, pas de chance... Le rocher est ici beaucoup plus péteux, et on traverse des zones de neige et de plaquages de glace. Beaucoup moins agréable, d'autant que le vent ajoute sa petite touche stressante à l'addition et qu'un guide un peu lourd commence à nous pousser aux fesses derrière. On finit quand même pas chevaucher le cheval rouge, assez incroyable comme moment !!! On arrive au sommet, et là on prend une immense claque. La traversée des arêtes qui est juste devant nous est vraiment très impressionnante... On voudrait prendre un peu notre temps, manger et boire un coup, mais une cordée de 6 est en train de nous rattraper et on veut pas leur passer derrière. Du coup on descend aux rappels sans perdre de temps gogogo.

HOLY **** c'est beau mais c'est très impressionant

On arrive à la brèche Zsygmondy, mais les italiens continuent de nous mettre la pression donc on avance. A partir de là c'est grimpe en crampons. Ambre aime pas du tout ça, et d'ailleurs elle ripe sur le caillou direct. Elle s'entaille légèrement la jambe, mais plus de peur que de mal. On arrive en haut du câble, Gaëtan me dit de me mettre à califourchon sur l'arête. Lol, hors de question, y a 300m de vide de l'autre côté. Gaëtan ouvre la descente du câble dans la glace, ça a l'air hostile as fuck. En partant en dernier, viré du relais par l'autre abruti d'italien derrière, je descend le câble bien en stress. Ca passe mais je vais pas vite et la pression monte clairement d'un cran. On arrive au couloir en mixte si redouté, et là ça bouchonne pas mal car tout le monde tire des longueurs.

Le couloir en mixte, bien glacé mais avec le cable qui sauve un peu la vie

Enfin sortis de cet enfer de glace

La suite déroule beaucoup mieux, et on réussi enfin à semer les italiens derrière nous. On profite du coup mieux de la course, même si la fatigue, la soif, la faim et le stress commencent à s'accumuler dangereusement. Le soucis c'est qu'il y a aucun endroit où se poser vraiment, donc on fait aucune pause. On arrive au doigt de dieu, libération !!!!! A partir de là c'est plus que des rappels et ensuite marche sur glacier. On descend à 5 avec les filles qui étaient derrière nous, et derrière nous la cordée de 6 commence carrément maintenant a nous insulter ouvertement en italien... On arrive au 2e relais on est 5 sur la plateforme alors qu'il y a que la place pour 2. On décide d'attendre d'avoir de la place pour faire tomber la corde, mais les italiens commencent à la tirer pour nous. Gaëtan attache la corde au relais, et quand 3min plus tard on veut la faire descendre, ces ahuris ont attaché la corde en haut et rigolent grassement. Heureusement il y a une justice, et quand on arrive en bas je les vois en train de galérer avec leur rappel bloqué.

En haut du doigt de dieu, avec l'arête intégrale derrière nous yeeeeeees

On descend rapidement jusqu'à l'aigle pour se faire une omelette bien méritée, le glacier est mou et on louvoie un peu entre les crevasses, les chaussures arrivent pleines de flotte mais c'est quand même rassurant de savoir qu'on est en vie. Par contre il reste encore toute la descente, et il faut pas complètement décompenser sinon on arrivera jamais en bas. On repart donc 30min plus tard pour les 2h30 de descente. Heureusement la neige est de la partie de ce côté aussi, et du coup la première moitié se transforme surtout en descente de névé sur les fesses, humide mais assez drôle. On fait toute la descente avec les deux filles qui grimpaient devant nous, elles sont super sympa, on les recroisera sûrement à EV3 !

On retrouve avec plaisir les alpages verdoyants avec quelques chamois, puis la forêt avec des vaches (et leur plancher). Plus qu'à envoyer Gaëtan faire du stop pour retrouver la voiture, et on sera rentré à Grenoble pour 22h30, éclatés de fatigue, mais heureux de simplement être là, et la tête plein de souvenirs de ce weekend ULTRA intense. Merci Gaëtan !!!



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